Tour de Constance à Aigues Mortes "Sur la margelle de l'oculus de la salle haute figure un graffiti célèbre dans le monde entier, REGISTER (résister en occitan), sorte d'injonction qu'aurait gravé dans la pierre Marie Durand, se dressant contre l'intolérance royale pour prêcher la résistance de ses compagnes d'infortune."
Cette inscription gravée sur la margelle d'un puits de la Tour de Constance à Aigues-Mortes est attribuée à Marie Durand, figure emblématique de la résistance des Camisards aux soldats de Louis XIV, et au-delà.
En 1685 sous la pression de son entourage, Louis XIV révoque l’Édit de Nantes qui avait mis fin aux guerres de Religion un siècle plus tôt en 1598. Les conséquences en sont connues, et notamment le départ de nombreux huguenots pour l'exil dans plusieurs pays d'Europe et jusqu'en Amérique, et avec eux des pans de l'économie du pays, provoquant un appauvrissement du royaume.
Dans plusieurs régions la résistance s'organise, les prêches interdits se font clandestins, dans les assemblées du "Désert". Les persécutions violentes, notamment les "dragonnades" provoqueront le soulèvement armé des Camisards des Cévennes, en 1702. Le soulèvement se poursuit jusqu'en 1704, date de l'accord entre le Maréchal de Villars, commandant des forces royales et Jean Cavalier, et s'achève en 1710 avec la mort d'Abraham Mazel.
La tour de Constance en 2012
Abraham Mazel y fut lui aussi incarcéré avec 30 camisards en 1704. Avec seize de ses compagnons, il parvient à s'échapper.
"L'affaire fera grand bruit : le lieutenant du roi et le major d'Aigues-Mortes sont démis pour manquement. On installe un garde sur le mur conque et des grilles aux archères.
À partir de 1717, il n’y aura plus que des femmes incarcérées dans la tour."
Il était offert une autre porte de sortie aux prisonnières de la tour : l'abjuration." Il suffisait de rejoindre la communauté catholique et renoncer à la foi protestante pour retrouver son foyer et sa famille. La chose pouvait paraître alléchante. Mais il y eut peu de candidates à cette forme de trahison : sur la plupart des femmes entrées dans la tour vers 1730, on compte seulement huit abjurations entre 1735 et 1743." prison de la Tour de Constance
Marie Durand est l'une des figures de cette résistance. Née au Bouchet-de-Pranles (Ardèche) (*), alors que la guerre contre les Camisards est terminée depuis un an. Elle est la sœur du pasteur Pierre Durand qui organise des assemblées du Désert et la famille soutient la lecture clandestine de la Bible. Marie Durand a 18 ans lorsqu'elle est enfermée dans la Tour de Constance, en 1732, où elle restera 38 ans, avec une vingtaine d'autres femmes. Elle ne renonça jamais à sa foi, organisant la résistance en réconfortant ses co-détenues, écrivant de nombreuses lettres.
Bien plus qu'une guerre de religion, bien au delà d'une émeute ou d'une révolte, il s'agit d'une première vraie résistance et la lutte pour une identité, un droit à la différence.
On ne peut enfermer la notion de résistance (ne pas céder, résister à un agresseur, s'opposer à une force armée d'occupation...) à une seule période de l'histoire (1939-1945). Résister, c'est aujourd'hui, ici et ailleurs, contre tout ce qui détruit.
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(*) La maison natale de Marie Durand, où elle est morte en 1776 abrite aujourd'hui le Musée du Désert
Pour plus de détails sur Marie Durand voir :
l'article qui lui est consacré ici : http://www.tourdeconstance.com/mariedurand/
et sur Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Durand
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