« Mis à part les fragments de papyrus retrouvés, calcinés, à Herculanum et ceux qui ont été découverts au milieu d'amas de détritus dans l'ancienne cité égyptienne d'Oxyrhynque, aucun manuscrit du monde antique grec et romain n'a subsisté jusqu'à nos jours. Tout ce qui nous reste, ce sont des copies, souvent très éloignées des originaux du point de vue du temps, du lieu et de la culture...
Ces œuvres-là ont eu de la chance. La majeure partie des écrits des noms les plus célèbres de l'Antiquité a disparu sans laisser de trace..."
sur le site de l'université de Montpellier ICI
Où sont donc passés tous les livres ? Le climat, les insectes expliquent, pour une large part, leur disparition. Le papyrus et le parchemin ont beau être remarquablement solides (plus que notre pauvre papier et nos données informatiques), les ouvrages se sont détériorés au fil des siècles, même lorsqu'ils ont échappé aux ravages des incendies et des inondations. »
Sous cette belle image des "dents du temps" Stephen Greenblatt parle de la disparition des livres et des bibliothèques de l'Antiquité. L'encre de mauvaise qualité, l'utilisation même des manuscrits, expliquent en partie leur disparition. « les livres étaient la proie d’appétits très concrets. Il était possible, faisait remarquer Aristote, de détecter la présence d'animalcules... le lépisme, l'une des « dents du temps » selon l'expression de Hooke. »
Le seul vrai moyen d'éviter de perdre ces manuscrits était d'en faire des copies, copies réalisées par des esclaves copistes – livrarii que l'on distingue des scribes – scribæ, qui étaient des citoyens libres.
« Pendant une (très longue) période, dans l'Antiquité, ce déluge inépuisable de livres dut même être un problème. Où mettre tous ces ouvrages ? Comment les classer sur des étagères grinçantes ? Comment assimiler autant de savoir ? Quiconque vivant parmi une telle abondance de livres ne pouvait imaginer qu'un jour ils disparaitraient. C'est pourtant ce qui arriva : l'entreprise prit fin non pas soudain, mais lentement, avec la force cumulative d'une extinction de masse. Ce qui semblait stable se révéla fragile, ce qui paraissait immuable, temporaire...
Le destin de la plus grande bibliothèque du monde antique illustre celui des livres dans son ensemble. » Il s'agit bien entendu de celle d'Alexandrie... Le déclin de l'empire romain, le dédain, voire l'hostilité des premiers chrétiens envers tous les témoignages de cultes païens, conjugués aux ennemis naturels des livres ont provoqué la perte de la majeure partie des ouvrages du monde antique.
Sauf une infime partie sauvée dans les bibliothèques des monastères du monde chrétien. C'est dans l'une d'elles que Poggio Bracciolini, dit le Pogge, un humaniste florentin, va découvrir un exemplaire complet du poème de Lucrèce, De rerum natura, dont il obtiendra une copie. Et de copies en copies, jusqu'aux premiers exemplaires imprimés, la philosophie épicurienne, débarrassée des clichés qui la dévalorisaient, va imprégner l'humanisme du XV et du XVIe siècle à travers les œuvres et la pensée d'hommes tels que Machiavel (il conservait un exemplaire de De rerum natura sur lui et on a aussi identifié une copie de sa main en 1961) Thomas More, Giordiano Bruno, Montaigne (son exemplaire personnel à été identifié en 1989, après avoir été acheté lors d'une vente aux enchères par Paul Quarrie) ; pour ne citer qu'eux.
Un ouvrage passionnant écrit par un professeur de l'université d'Harvard, spécialiste de Shakespeare, mais qui se montre ici un fin érudit et nous fait partager son érudition.
« Quattrocento – Un grand humaniste florentin découvre un manuscrit perdu qui changera le cours de l'histoire »
Stephen Greenblatt – traduction de Cécile Arnaud – Flammarion 2013
Gian Francesco Poggio Bracciolini http://fr.wikipedia.org/wiki/Poggio_Bracciolini
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