Sous ce terme plutôt poétique se cache la razzia menée par le régime de Vichy sur les métaux non ferreux, nécessité de la guerre oblige, et notamment sur les monuments et autres statues de nos villes et nombre d'entre eux ont disparu dans les fonderies allemandes. La seconde guerre mondiale a particulièrement été destructrice, entre les bombardements intensifs, les dynamitages, et le vol qualifié d'ouvrages d'art. Les monuments à nos grands hommes n'y ont pas échappé.
Le monument à Emile Augier fondu en 1942
Une collecte "volontaire" d'objets usuels est lancée en juillet 1941, " l'Etat paie le plomb six francs le kilo et 30 francs pour le cuivre et ses alliages, laiton, bronze, maillechort."(*) Les français ne croient pas que cette collecte profite à l'Etat Français et pensent qu'elle est destinée à l'Allemagne, et elle est un échec.
Le 11 octobre 1941, le gouvernement de Vichy organise l'enlèvement des statues et monuments en métaux non ferreux :
Article 1er. Il sera procédé à l’enlèvement des statues et monuments en alliage cuivreux sis dans les lieux publics et dans les lieux administratifs, qui ne présentent pas un intérêt artistique ou historique. Article 2. Une commission sera créée dans chaque département pour déterminer les statues et monuments qui devront être conservés, en raison de leur caractère artistique ou historique. Des arrêtés pris par le Secrétaire d’Etat à l’Education Nationale et à la Jeunesse fixeront la composition de ces commissions.
Le prétexte : le traitement de la vigne et des pommes de terre, mais en fait de sulfatage les statues prennent le chemin de l'Allemagne, ou de fonderies en tant que "vieux métaux destinés à la refonte".
La ville de Valence perçoit la somme de 323 100 francs pour les statues d"Emile Augier, de Bancel, de Montalivet, du buste de Louis Gallet, des plaques du monument au mort de la guerre de 1870. S'y ajoutent des éléments du mobilier urbain comme les installations d'éclairage. Le "commissariat à la mobilisation des métaux non ferreux" est créé en 1942 et il s'installe rue Chevandier.
Dans plusieurs villes on peut supposer que l'on a profité de l'occasion et du choix laissé aux municipalités, pour faire disparaître certains monuments contestés, pour leur facture, ou parce que l'homme à qui ils sont dédiés a cessé d'être à la mode. En va-t-il ainsi du contesté monument à Emile Augier, monument grandiose dû à la duchesse d'Uzès et qui avait provoqué de nombreux et houleux débats. Le dramaturge lui-même ne suscitait déjà plus le même engouement que sous Napoléon III.
Le monument de Louis Gallet perd son faune,
Mais toutes les statues n'ont pas été fondues. Celle de François-Désiré Bancel a été retrouvée par hasard à Paris en 1950, dans un dépôt de métal, prise pour une statue de Jean Bart (?)elle est envoyée à Dunkerke avant de revenir à Valence, mutilée. Elle a été placée dans l'attente dans la cour du musée et le sculpteur Donzelli refait la main droite. En 1980 elle est restaurée à la fonderie Bruno à Curson. En 2012 elle retrouve sa place devant la gare, après un séjour sur les boulevards, avant leur réfection.
Il en a été de même pour la statue de Montalivet, ami de Bonaparte et fidèle collaborateur de Napoléon, dont la statue, réalisée sous Napoléon III, en 1870, n'est pas en place à la chute de l'Empire. Les maires de Valence ne sont pas trop pressés de payer le sculpteur Gustave Crauck, ni de la faire venir de la fonderie Thiébaut. Inaugurée finalement en 1895, elle est déboulonnée en 1944 et stockée à Lyon dans l'attente d'être fondue. Elle est sauvée par les troupes alliées avant d'être réinstallée sur le Boulevard, sur la place qui porte son nom,
Une autre sculpture a échappé aux Vendanges de Bronze, celle du héros de la Révolution, le Général Championnet. Si elle s'élève encore fièrement sur le Champ de Mars, c'est qu'elle fut volontairement sauvée, cachée dans la cour du musée, avant d'être ressortie en octobre 1944. Voir les photographies sur le site du Musée de la Résistance ICI
Quelles que soient les qualités artistiques de ces monuments, ils sont une part entière de notre histoire, et si leur facture nous plait moins, si les hommes ainsi honorés sont un peu tombés dans l'oubli, on peut toujours trouver un endroit discret où installer leur statue, comme Louis Gallet qui a quitté le Champ de Mars pour un bord de sentier, à l'abri des arbres du Parc Jouvet.
Sources :
Photographies : https://e-monumen.net
(*) http://archeologue.over-blog.com : Vendanges de bronze, la fonte des statues pendant la deuxième guerre mondiale
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