"l'extraordinaire porte d'Ishtar" telle qu'elle est présentée au musée de Pergame à Berlin Wikipedia
La porte d'Ishtar est un symbole a elle seule de la place que nous accordons aux œuvres d'art du passé dans notre société. Construite à partir du VIème siècle avant notre ère, elle était l'une des huit portes de la ville de Babylone, la Babylone de Nabuchonosor II, l'un des souverains les plus connus de l'empire néo-babylonien, dans l'une de ses périodes les plus fastes. Actuellement elle est visible au musée Pergame de Berlin, photo ci-dessus.
Entièrement dédié à des œuvres pillées ça et là dans le Proche Orient et l'Antiquité gréco-romaine ce musée doit son nom au grand autel du temple de Zeus à Pergame. Une pratique généralisée au XIXe siècle et encore au XXe siècle qui a fait que les archéologues qui fouillaient les sites antiques "rapportaient" des trophées dans leurs pays d'origine. Cette pratique a fait la richesse des grands musées européens, mais aussi nord-américains, et si elle est aujourd'hui contestée - voir l'article ICI - elle a fait place à un pillage moins désintéressé.
Taureau - wikipedia
La porte d'Ishtar, du nom de la déesse éponyme « Ishtar Sakipat Tebisha », ou « Ishtar est victorieuse de ses ennemis » était une porte double, l'enceinte étant constituée d'un mur extérieur et d'un mur intérieur. Mais ce qui fait sa particularité et sa beauté, ce sont les carreaux de brique émaillée qui la décoraient, et la décorent toujours, avec en dominante ce bleu issu du lapis-lazuli si cher aux anciens Mésopotamiens, notre bleu outremer. Ils nous ont transmis les couleurs, mais aussi bien d'autres choses, de la roue à l'écriture.
Cet héritage, foulé aux pieds aujourd'hui en Irak en raison des guerres intestines, était par contre revendiqué par Sadam Hussein qui voulait reconstruire Babylone à l'identique, en digne héritier de Nabuchodonosor.
la porte d'Ishtar reconstruite par Sadam Hussein sur fr.academic.ru
Les despotes ne n'y trompent pas en matière d'héritage, ils savent bien que la culture est ce qui relie les peuples à leur passé en affirmant leurs particularismes. Lorsqu'ils font bâtir des monuments aussi écrasants qu'éternels, ils ont besoin de se trouver des justifications culturelles pour entrer à leur tour dans l'éternité.
Il n'en reste pas moins que la porte d'Ishtar existe encore, sauvée de l'oubli et de la destruction, et que nous pouvons toujours contempler ce chef-d’œuvre du à des anonymes, témoin d'une époque où le beau avait une signification, et si nous l'avons perdue, il nous reste la magie des couleurs et des formes de ces carreaux émaillés. Et le souvenir d'une ville que l'on peut qualifier d'extraordinaire, devenue mythique et que les Chrétiens ont associée au vice, à une époque où les sources et les témoignages étaient devenus inaccessibles.
Pour voir la porte :
Sur le site du musée de Bagdad : http://www.ezida.com/porteishtar.htm
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