Capture d'écran – vidéo de Waël Shawsky –
la première croisade illustrée par des marionnettes italiennes
Collection Lambert - exposition Mirages d'Orient, grenades et figues de barbarie
En 1983, Amin Maalouf, récemment élu à l'Académie française, avait publié l'incroyable saga des Croisades vues par les arabes. Un quart de siècle plus tard, le jeune Égyptien Waël Shawsky met en scène ce récit quasi millénaire où chaque figurant, qu'il soit pape ou croisé, sultan ou Arabe combattant, n'est qu'une marionnette tirée par des fils ».
Extrait du dossier de présentation de l'exposition «Mirages d'Orient – Chassé-croisé en Médirerranée » Éric Mézil. Collection Lambert – Avignon
L'un des textes, plus ou moins courts, qui émaillent le récit des périginations d'Olga Tokarczuk, un récit à la manière des "Mille et une Nuits", fait parler le jeune sultan d'un petit État désertique -"une poignée d'oasis disséminées dans un désert de pierre – et, pour toute richesse naturelle, il n'y a que quelques mines de sel à ciel ouvert. Pas d'accès à la mer, et partant aucun port ni golfe ni cap stratégique. Les femmes de ce petit pays cultivent le sésame, la coronille et le safran, pendant que les hommes guident les caravanes de marchands et de voyageurs qui traversent le désert en direction du sud." Le texte se poursuit par l'évocation de la venue des croisés.
Extrait du texte d'Olga Tokarczuk :
"…Il faut agir vite, sans état d'âme, car une armée immense arrive de l'ouest par la voie terrestre, et aussi par la mer. Une marée humaine, à ce qu'il paraît. Ces hommes auraient déclaré la guerre sainte au monde entier et ils auraient l'intention de s'emparer aussi de leur petit pays – voilà ce qui se chuchote dans l'enceinte du palais. Ils tiendraient avant tout à prendre possession de Jérusalem où se trouve la dépouille de leur prophète. Il n'y a rien à faire – ils sont insatiables et prêts à tout. Ils pillent et incendient nos maisons, violent nos femmes, profanent nos mosquées. Ces impies versatiles et cupides foulent aux pieds les accords et les pactes. Non, assurément, ce n'est pas ce fameux sépulcre qui les intéresse. Si c'était le cas, nous pourrions leur en donner à profusion, ce ne sont pas les sépultures qui manquent ici. Qu'ils prennent nos cimetières, s'ils en ont envie ! Il est clair que ce n'est qu'un prétexte : ils ont soif de tout ce qui vit, et non de qui est mort. À ce que l'on raconte, ces hommes aux visages brûlés par le soleil et décapés par le sel marin, qui les recouvre d'une fine couche argentée, accostent à nos rivages après une longue pérégrination en mer. Et, poussant des clameurs dans une langue étrange aux sonorités rauques et gutturales, ils fondent sur nos villes, fracturent les portes de nos demeures, brisent nos jarres d'huile, pillent nos garde-manger et – pouah ! - vont jusqu'à poser leurs sales pattes sur les pantalons bouffants de nos femmes. Ces barbares ne savent même pas parler comme les autres hommes, pas plus qu'ils ne savent lire notre écriture. Ils sont incapables de répondre à nos salutations et vous regardent bêtement avec leurs yeux touts clairs, comme délavés. Certains soutiennent qu'ils viennent d'une tribu née au fond de la mer ; ils auraient été bercés par les vagues et élevés par des poissons argentés, ce qui explique leur ressemblance avec ces bouts de bois que la mer dépose sur la grève et la couleur de leur peau, semblable à celle d'un os longtemps poli par la mer. Pour d'autres, en revanche, tout cela n'est pas vrai, car comment expliquer alors que leur monarque, cet homme à la barbe rousse, eût péri noyé dans la rivière Sélef ?"
Les Pérégrins – Olga Tokarczuk
traduit du polonais par Grazyna Erhard
ED Noir sur Blanc 2010
"Les Pérégrins, sans doute le meilleur livre d’Olga Tokarczuk, n’est pas un « livre de voyage », mais un livre sur le phénomène du voyage. Pour les Bieguny (c’est-à-dire marcheurs ou pérégrins), une secte de l’ancienne Russie, le fait de rester au même endroit rendait l’homme plus vulnérable aux attaques du Mal, tandis qu’un déplacement incessant le mettait sur la voie du Salut. S’ils sont des hommes et des femmes de notre temps, les personnages du livre d’Olga Tokarczuk ont peut-être une motivation similaire." Babelio
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