Je profite d'une exposition en cours (*) pour parler d'un sujet qui me tient à cœur, les stèles anthropomorphes de Provence, et en tout premier lieu celle d'Avignon,
stèles d'Avignon ( Rocher des Doms - Balance) et de Lauris - musée Calvet
La stèle d'Avignon représentée ci-dessus, à droite, a été découverte en 1960 lors des fouilles effectuées par Sylvain Gagnaire, qui ont mis à jour des témoignages d'une occupation du Rocher des Doms depuis la fin du Néolithique jusqu'au Moyen-Age, sans interruption. Des objets en silex et des tessons de céramique, ainsi que d'autres vestiges (parures...) de la même époque ont été trouvés sur le site. Le visage s'inscrit dans une forme rectangulaire légèrement arrondie - difficile d'affirmer qu'il s'agit de la forme d'origine, sculpté en creux et les yeux sont de simples cupules. Un symbole solaire figure dans le bas.
Elle est l'un de mes "chocs" esthétiques forts ressentis dans un musée. Pourtant, le musée Calvet à Avignon, recèle de nombreux trésors, mais c'est bien cette stèle qui m'a le plus émue. Cette représentation stylisée, minimaliste, de la figure humaine, vieille de milliers d'années, est à mes yeux, bien plus expressive que nombre de représentations hyperréalistes.
La stèle du Rocher des Doms est un peu à part parmi toutes celles retrouvées en Provence, un autre groupe, plus important, est celui des stèles à chevrons,
Ce second groupe est constitué de pierres rectangulaires ou triangulaires au sommet rectiligne. Le visage est sculpté en champlevé, avec un nez et des yeux en relief, et encadré par des motifs de chevrons, des hachures, ou un décor en arrêtes de poisson.
Toutes sont dépourvues de bouche.
Ces statues menhir, sont présentes un peu partout en Europe.
"Cette carte (France) présente les grandes figurations humaines connues pour la période néolithique en France et ses marges. La figure humaine, qui est marginale et même très rare durant le Paléolithique, prend beaucoup d'importance au Néolithique car l'homme se place désormais au centre des récits imaginaires et religieux. Avec la domestication de la nature, le développement de l'agriculture et de l'élevage, la sédentarité et, finalement, l'invention du monde paysan néolithique, les modes de pensée évoluent. L'homme commence à se considérer comme prééminent sur la nature. Les divinités prennent alors forme humaine et le champ lexical des mythes et croyances évolue : l'Homme se place au centre du discours. Les statues-menhirs, qui sont les premières sculptures monumentales d'Europe occidentale, sont le reflet de ces changements. Elles figurent des hommes et des femmes assis, en majesté, et richement parés." INRAP
En quoi, celles de Provence se distinguent-elles ?
"A la fin du IVe millénaire av. J.-C., apparaît dans le sud de la France la plus ancienne statuaire de pierre connue. En Provence occidentale, il s'agit de figurations anthropomorphes sculptées sur de petits blocs de calcaire tendre. Ce sont des stèles de petite taille (de 25 à 40 cm de haut). Au nombre d'une trentaine découvertes à ce jour, ces stèles représentent un visage humain schématique où les yeux et le nez sont bien marqués, mais où la bouche est absente. Autour de cette représentation de la face, un décor en chevrons est finement gravé." Musée Calvet
La principale différence est qu'il s'agit de visages, et non de corps. Leur destination reste mystérieuse.
"Trouvées dans des stations de plein air (Avignon) ou dans des sépultures, elles sont interprétées comme des gardiennes des morts, et/ou des divinités protectrices, sources de vie et de fécondité. Plus, en raison de l'absence de bouche, elles témoigneraient d'une affirmation territoriale : en Provence cela pourrait signifier la difficulté de communication entre les mondes terrestre et divin."
Hélène Barge dans "Les plus beaux sites archéologiques de la France - Editions ECLECTIS
"Le Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon vous présente sa première exposition 2024 : "Idoles Néolithiques de Provence". Plongez dans l'histoire de notre région à travers de fascinantes sculptures en calcaire.
Vous pourrez admirer des représentations humaines stylisées qui évoquent une époque lointaine, entre 3 900 et 3 600 av. J.-C. Ces œuvres énigmatiques, probablement des stèles funéraires, étaient jadis implantées dans le sol pour honorer et marquer le repos des cendres des défunts. Leurs visages à peine perceptibles laissent place à des motifs géométriques qui symbolisent la chevelure ou une coiffe, soulignant ainsi l'ingéniosité artistique de cette période néolithique.
Les sculptures, agrémentées d'ocre rouge ou de cinabre, révèlent une palette de couleurs étonnante qui ajoute une dimension vibrante à ces artefacts anciens."
Lire aussi :
Sylvain Gagnaire * directeur des antiquités préhistoriques de la circonscription préhistorique d’Aix,
article sur Provence-Côte d'Azur-Corse
Gallia préhistoire Année 1968 Volume 11 Numéro 2 pp. 493-528
"ESSAIS HISTORIQUES SUR LE DEPARTEMENT DE VAUCLUSE . PREHISTOIRE ET PROTOHISTOIRE ( Deux Parties )" en collaboration avec l' Abbé J. SAUTEL et Léon GERMAND
Et Histoire d'Avignon, 1979 - Stèles anthropomorphes néolithiques de Provence. André D'Anna, Stéphane Renault - Catalogue raisonné des Stèles Anthropomorphes néolithiques de Provence du Musée Calvet d'Avignon.2004. 1 vol. broché de 96 pp.
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